An
Exploration of my Process of Creation through a live Artist Journal, full of my Drawings and Words.

J'explore jour après jour au gré des pages remplies de dessins et de mots mon Processus de Création.

16 juillet 2015

PAGE 121: Madame MAKIKO, marraine de ma première exposition


Madame MAKIKO, femme d'un certain âge déjà, dynamique et calme à la fois, cheveux encore noirs et peau légèrement ridée du visage, à la démarche un peu claudicante avec ses fines longues jambes, japonaise mariée à un pianiste français aveugle, qui organisait avec lui des moments de poésie et musique dans le sous-sol de leur maison gardée par un mainate bavard,
fût mon professeur de calligraphie pour quelques heures de cours.


page d'exercice de Makiko

J'habitais à l'époque à Strasbourg, en France. Il y a près de 20 ans.
A mon arrivée dans cette ville alsacienne, j'ai trouvé rapidement le magasin fournisseur de matériel d'art, et j'ai vu son annonce de cours dans ce lieu même. Je n'avais pas un gros budget, alors avec quelques Francs (avant les Euros) que j'avais en poche, j'ai suivi le maximum d'heures que je pouvais de son apprentissage des bases de la calligraphie japonaise:
les idéogrammes chinois dont cette écriture est issue, poser son papier léger sur un tapis de feutrine noir et le maintenir par une règle métallique lourde sur le rebord supérieur, tenir son pinceau, le faire voyager avec son coude, imbiber la pointe d'encre préparée, la presser sur la page blanche puis la relâcher tout en lui insufflant un mouvement dans une direction voulue et maîtrisée, puis ralentir le mouvement et finir la trace d'encre par une autre pression consciente. A l'horizontal, à la vertical, à l'oblique, le chiffre UN, les noms HOMME et FEMME, et HUMAIN.
Écrire avec des images et un geste.
Dans la chambre de bonne où j'habitais, j'installais à terre dans cet espace juste assez large entre le lit et le lavabo, mon tapis de feutre sur lequel je déposais mon papier de riz, la barre en fer pour le maintenir stable en place en haut de la feuille, et je commençais mes pratiques.
Ligne après ligne, répéter le geste, alterner les pressions sur la pointe du pinceau, relâcher, faire voyager ce corps traçant avec conscience et maîtrise sur la surface blanche.

 
page d'exercice de Makiko

Dans ma petite chambre de bonne, perchée au delà du 7ème étage d'un prestigieux édifice de Strasbourg au bord du canal de l'Ill, mes explorations créatives se réduisait à des petits formats, que j'enchaînais sans relâche, l'un après l'autre.
C'est ainsi que j'ai commencé à travailler en série sur du papier bristol format carte postale, une personne m'ayant donné tout un stock de 500 cartes blanches doubles pages.
Sur ce type de support, glissant et peu absorbant, j'utilisais un pinceau numéro 0 pour les arts décoratifs que je trempais dans du brou de noix, dont la teinte brune brute ou diluée à l'eau, donnait un rendu sensible que j'appréciais, tout en étant économique!
Et les silhouettes qui sortaient de mon imaginaire ne dessinaient pas des idéogrammes d'aucune écriture orientale ou autre. Elles prenaient la forme humaine, ombres miniatures et frêles d'à peine 1cm de hauteur évoluant dans cette espace blanc bristol 10 x 15.
Elles racontaient déjà des histoires, de petits enfants et de vieillards, de rencontres humaines et de solitude, d'amour et de liberté.


Un jour, Madame MAKIKO  me mit au courant de l'événement Quais aux Arts de Strasbourg.
Il se déroulait 4 fois par an, toutes les premières fins de semaine de chaque début de saison, et permettait à tous les artistes, amateurs et professionnels, gratuitement, de venir exposer et vendre son travail sur les bords du Canal de l'Ill pendant deux jours, selon la formule premier arrivé, premier placé.
Et ces fameux Quais de l'Ill se trouvaient juste au pied de l'imposant bâtiment dans lequel je louais une minuscule chambre sous les toits!
La saison où j'ai connu Madame MAKIKO elle y participait, exposant ses calligraphies, et elle me dit: "Viens!!! Tu te mettras à côté de moi et tu pourras vendre tes petites cartes...".
Le samedi passa, et je suis restée sous mon toit, au septième ciel, transformant une boîte de chaussure en présentoir:
une fente au milieu pour y glisser une petite pancarte en carton: 5 Francs! 10 Francs!
Le lendemain matin, je suis descendue sur les Quais, avec ma boîte à trésors sous les bras.
J'ai trouvé ma vieille grand-mère MAKIKO, et sous son aile protectrice, j'ai ouvert ma boîte et commencé à raconter mes histoires aux gens de passage.


Il suffit de quelques petits gestes de confiance pour permettre à l'oiseau de s'envoler!

Merci Madame MAKIKO.
Je travaille encore aujourd'hui sur les premières bases que vous m'avez enseignées, fondations solides sur lesquelles je bâtis ma maison, pierre après pierre,
flânant inlassablement sur l'espace libre d'un Quai où accoster pour une saison.












8 juillet 2015

PAGE 120: Les petites histoires... de la Main*

 10.5 cm  X  14 cm - crayon graphite, feutre sur papier
 dessin réalisé sur le lieu


Sur la Main* au centre de la ville
l'oiseau rouge est sorti de son nid
sur la branche du milieu pourtant il hésite
à quitter son arbre et se mettre en orbite

Sur la Main au centre de la foire humaine
un saxophone fait voler ses notes
aux plumes noires ou blanches qui s'accrochent
aux culottes courtes des enfants farandoles

Sur la Main je me fige entre ciel et terre
sur la ligne du milieu de la métropole
un air de musique dans l'atmosphère
jeté en l'air retombe au cœur des pôles 

et à travers la vitre opaque dévoile son universel langage 

sous la lumière d'une infatigable lampe de cabaret
sur la Main au centre de la tranchée humaine
le chant de l'oiseau rouge déplumé plane comme un film muet





*La "Main" (mot anglais): c'est la rue St-Laurent, principale artère et point zéro de Montréal qui scinde la ville en une partie Est plus francophone, et une partie Ouest plus anglophone.
A partir de ce point central, les numéros de rues se déclinent en symétrie comme suit: numéro 1 rue X. Est, numéro 1 rue X. Ouest.




LES ATELIERS NOMADES
 Dessin & Narration