An
Exploration of my Process of Creation through a live Artist Journal, full of my Drawings and Words.

J'explore jour après jour au gré des pages remplies de dessins et de mots mon Processus de Création.

21 mars 2014

PAGE 91: 3/Sur l'Île des Initiées

Troisième semaine de l'atelier Alors On Crée?

MONTREAL
Lundi 17 mars 2014, j'ai accosté sur l'Île des Initiées


Étonnant processus que je vis.


J'observe les mouvements créés en moi, sous la guidance des maîtresses de cérémonie.
Je suis un laboratoire.
Cela me ramène au temps de mes études en Biologie et Chimie, quand nous jouions aux magiciens, faisant apparaître et disparaître des traces, des taches, des présences étranges et inconnues du monde invisible dans les boîtes de Pétri, alignées sur les paillasses du labo, entre les éprouvettes et les pipettes.
Je m'expérimente.
Ma blouse blanche devient ma Page Blanche, devient la Scène Blanche, devient mon Territoire Blanc, ma Fumée Créatrice, ma Vapeur Visionnaire.



Je suis une image.
Agrandie, rétrécie, dans la marmite des Sorcières, au son de leurs incantations, au rythme de leurs tambours.
Je suis une Femme qui a accosté sur l'Île des Initiées.
Femme parmi les Femmes, j'ai dansé autour du Feu Sacré des Grands-Mères Médecines.





Nous avons déposé nos offrandes pour appeler les Déesses des Arts,
Guérisseuses de nos cœurs meurtris.


Nous avons exploré l'île, enfouissant nos corps nus dans le sable de cette vaste Terre Sauvage.

Nous avons voyagé dans ces recoins indicibles, dans sa langue ancienne, dans sa nuit secrète, dans son silence.

Nous nous sommes entendues et vues et senties, seules et ensemble.
Nous nous sommes souvenues de nos liens.
Nous nous sommes reconnues.





   Je suis une Femme enracinée, un Arbre de Vie,
qui danse son chant singulier afin de relier la Terre au Ciel.





Je suis une tradition, messagère de la Création.




Je suis un corps habité, qui dessine ses premières visions.








Terre! Terre fertile où nous accostons!
Quels fleurs et fruits naîtront de nos ventres ronds?







13 mars 2014

PAGE 90: 2/J'ai dansé Ensemble

Jour 2 du Projet Alors On Crée?

MONTRÉAL
Lundi 10 mars 2014, J'ai dansé Ensemble.

Sur le chemin du retour, après l'atelier, je flottais.
Tous mes sens étaient vivants, disponibles à la découverte.
Des liens se tissaient avec mon environnement.

C'est alors que ma vision s'arrêta sur ce tronc d'arbre imposant.
Il me disait quelque chose...
Et comme je marchais avec mon cœur d'enfant, j'ai entendu son histoire.


Sa structure de base se scindait en deux branches massives, coupées nettes par les ciseaux d'un coiffeur averti. Sa nudité était frappante. Sa disgrâce apparente était contrebalancée par cette présence remarquable, il était le dominant de la rue, le chef de bande. Sa cicatrice le rendait encore plus admirable. C'était un pirate!
Mais... sa fourche sensible dévoilait sa sagesse avec grâce et noblesse.
Et au bout de ses deux moignons, la porteuse de vie lui faisait un signe.

Je l'ai pris au vol.
Avec cette image ancrée dans mon oeil, j'ai tourné la tête de l'autre côté de la rue.
Alors je les ai aperçus, tous ces moussaillons sur le pont du bateau, la fourche en avant comme drapeau!
Au loin à la proue du navire-rue, la sirène se dévoilait comme un totem d'Amazones marines:
la porteuse de vie avait garni ses deux branches de liens infinis avec le monde!


Mon sourire s'étalait grandiose, ravie de cette complicité avec l'indicible.
La nature me parlait, et je continuais à l'écouter avec mon cœur d'enfant.
Elle m'a dit :"Ceci est en toi aussi, regarde!"
Instantanément me parvint cette vision de mes poumons, des bronches et bronchioles s'y déployant, issues de la bifurcation de l'appareil respiratoire du corps humain.
 Image inversée de l'Amazone marine.

Chemin faisant jusqu'au retour chez moi, mon corps s'est dessiné comme un arbre.
Ses racines à chaque pas s'élevaient jusqu'à mon nombril, où le tronc solide s'est construit.
Passant le diaphragme, deux branches majestueuses se sont déployées, et ont percée de leur élan tellurien les parois des poumons nourriciers.
L'air que je respirais à chaque mouvement et dont j'étais de plus en plus consciente, s'infiltrait le long de ma trachée, jusqu'à l'embranchement délicat qui le répandait dans les deux îles soeurs.
Deux mouvements opposés et complémentaires alimentaient mon corps d'un esprit lumineux.
Leur rencontre fût fusionnelle.
Cet invisible m'habillait de sa douceur rayonnante.


Ce lundi matin, le ciel et la terre se sont rejoints en moi.
Et l'arbre-corps a laissé fleurir des fleurs et des fruits à donner et  à laisser cueillir.
Des mains à être prises par d'autres mains.
Des  histoires à se conter ensemble.
Des mémoires de Femmes.

Sous la direction de Louise, j'ai navigué sur le fleuve-prénom de l'autre, j'ai guidé l'autre sur les traces de mon identité, j'ai construit un pont avec l'autre rive.
J'ai créé un lien.
J'ai dansé Ensemble,
dans plusieurs mondes à la fois.

L'Univers-Scène est bien plus grand que ce que je pouvais à peine esquisser jusqu'alors!
L'exploration de ce territoire inconnu s'amorce,
une cartographie à dessiner avec la troupe des Amazones marines.





12 mars 2014

PAGE 89: ART-Souterrain 2014: ENRACINEMENT

Alors que je suis en train de cheminer avec mon projet RACINES, ce thème choisi cette année par l'événement artistique ART SOUTERRAIN de l'ENRACINEMENT, venait à point, et a piqué ma curiosité.
J'y suis donc allée, aussi avec l'objectif de préparer le circuit sur lequel j'aimerai faire voyager mes étudiants de l'Atelier CARNET Nomade prochain.
Et j'ai été très touchée par les propos des artistes, d'origines ethniques très diverses, nouveaux et anciens immigrants, surtout par les temps qui courent au Québec où le gouvernement stigmatise les préjugés raciaux dans la population.
Je me suis donc engouffrée quelques heures dans les entrailles de Montréal, à la recherche de ses racines humaines et créatives.

Comme toute aventurière, il me fallait préparer une carte de mon périple... En m'inspirant de l’œuvre de Suzanne Joos, j'effectue un rapide réchauffement, une immersion dans mon atelier de création imaginaire.


J'aiguise mes outils, suis à l'affût des indices et rencontres. Je note les signes... qui prendront sens ultérieurement, au gré de la quête.
Voici donc l'histoire qui me fera cheminer, inspirée des œuvres vidéographiques et poétiques de Christian Laurence et de Zohar Kifr. Elle parle de Solitude, d’Égarement, du fait de ne compter que sur soi-même, de se préparer à rester immergé le plus longtemps possible, de Créature Marine, et de Vent.
Les conseils et témoignages de ceux qui sont passés par ces entrailles urbaines avant moi, certainement...


Me voilà en face de mes premières rencontres humaines, mes premiers personnages, qui m'arrêtent sur la route... parce qu'ils ont envie de parler d'eux.
En fait ce sont elles, ces femmes dont l'apparence extérieure les distingue de la majorité ambiante, mais dont les portraits de vie écrits sont si semblables à tout un chacun ici. Œuvres photographiques d'Andréanne Pâquet.
J'ai choisi de prendre quelques unes de leurs phrases avec lesquelles je sentais résonner la similitude, et que j'aurais pu utiliser pour décrire mon propre Enracinement à cette terre québécoise après l'égarement de l'immigration.


Puis il y a cette série photographique sur les réfugiés Syriens de Valérian Mazataud, "De nous il ne reste plus personne"... Comme une longue traversée du désert. Je sens le poids du silence dans la ville. Laquelle?
Déracinement.


Enfin, au Palais! j'échoue... à la dérive.
J'accoste. Prends le fil d’amarrage de Guy Königstein.
Je m'asseois enfin, et regarde le chemin parcourru.
Et je m'installe dans le présent de cet endroit; où les arbres sont roses et sans racines, comme les âmes errantes qui peuplent les bas-fonds de la ville.

Je reviens à Montréal... où les Déracinés de la Société, errent d'escale en escale, à la recherche d'un lien, avec... ?


Les Racines de la Ville, cachées, ce sont peut-être ces gens égarés, qui ne peuvent compter que sur eux-même, qui apprennent à rester immergés le plus longtemps possible, dans la solitude.
Créatures marines, rescapées d'un temps avant le temps... de l'Humanité moderne.
Fossiles sur lesquels se bâtissent les arbres en béton.
Et marchent les cœurs orphelins,
immigrés aux quatre vents.


La Fin d'un Voyage est toujours le début d'un autre,
encore plus loin. 

Vers une autre Création. 

MONTRÉAL

Informations LES ATELIERS NOMADES

9 mars 2014

PAGE 88: 1/En relation dansante avec moi-même

MONTRÉAL
Lundi 3 mars 2014, je suis entrée en relations dansantes.


Je fais partie du beau projet Alors on crée? , cette année sous la direction de la chorégraphe Louise Bédard et de ses collègues sur le thème  "Duos de Femmes d'Ici et d'Ailleurs", dans les studios de Circuit-Est Centre Chorégraphique.
Nous, ces 21 femmes et adolescentes participantes au projet, sommes appelées dans le milieu de la danse, les "non danseurs".
Et c'est avec nous, que ces Femmes Dansantes que sont Louise, Sophie, Danielle, ont choisi de valser sur la musique de la création, pendant 8 semaines.
Nous allons créer des Duos, représentés en public lors de la Journée de la Danse le 26 avril.


Pourquoi suis-je là?
La petite voix intérieure, encore elle... Je me laisse guider.
Elle aussi est un souffle, qui me propulse vers l'Inconnu de moi encore.
Un mouvement.
Je continue mon exploration de l'espace, du geste mobile/immobile.

(de la place de dessinateur de modèle vivant,
à mon corps modèle vivant sur le podium des classes d'arts visuels,
aux corps en mouvement observés et pris en notes dessinées sur l'espace scénique de répétition avec les danseurs de Roger Sinha,
à mon propre mouvement intérieur et extérieur de corps dansant interprété en visions dessinés,
et de sa préparation à entrer en scène).

J'observe,
le phrasé chorégraphié de mon chant de sirène,
le balancement de mon corps trempé par les vagues de l'abandon,
le cri de ma chair, le grincement de mes os,
l'émergence de la mémoire païenne de mon scaphandre.


Louise nous propose d'écrire notre prénom par la gestuelle du corps dans l'espace.
Au début je pars avec ma pioche pour mitrailler de coups secs les flancs de ma montagne.
Mais je ne sens pas même un chatouillement qui pourrait diriger plus exactement mes gestes, m'aiguiller vers le contentement du trésor flairé.
Quand tout à coup, je saisis qu'écrire son prénom avec son corps, ne peut rester un acte technique.
Il doit être vécu comme une voix aux accents d'une vie. Un pacte et un acte de naissance. Un prénom pour me dire. Un prénom pour trouver mon écriture. Un prénom pour trouver ma démarche dans cet espace inconnu.
Un prénom comme repère. Un phare lumineux et rassurant qui me guidera quand je serai embarquée sur le bateau de la Scène. Sans mots dire, dans le silence du souffle émanant de la trace laissée par mon geste.
Une signature invisible.
Mais une présence éternelle, dans celui ou celle qui l'aura aperçue, peut-être...


Toute la semaine j'ai pensé et dansé HABIBA.
J'ai trouvé deux séquences chorégraphiées pour me dire.
Et chaucune peut se décliner et se dire avec différents accents et intonations...
Finalement, je m'aperçois que le mouvement de mon prénom ne m'apportera pas la réponse unique et ultime à la question "QUI SUIS-JE?". Elle ouvrira seulement la porte à tous mes possibles.
Je viens d'entrer par cet exercice dans mon espace scénique intérieur.
Je viens d'entendre les premiers balbutiements de mon langage secret.
Je viens de déterrer la mémoire de mon corps.

Qui semble-t-il, a des choses à dire...

Au terme de cette première semaine,
je commence à entrer en relation dansante avec moi-même,
mon monde intérieur en mouvements,
mon premier partenaire.

Le bateau peut s'éloigner un peu plus du quai maintenant.


Lundi, en rentrant de ce premier atelier, j'ai poursuivi mon élan de recherche amorçée sous les instructions de Louise. J'ai tenté, tant bien que mal, de mettre en images mes explorations sur mon Prénom dansé.
Le coup de crayon est d'abord sorti de façon très technique aussi, rigide et linéaire, puis a commencé légèrement à prendre quelques variations plus créatives.
Mais je ne sais pas encore comment transcrire mon état quand je danse mon prénom avec ce médium ci.
Ni même je n'ai tenté d'investiguer la place de chaque mouvement et sa route dans cet espace.
A suivre...






6 mars 2014

PAGE 87: Mon Processus d'Enseignement

(English will follow)

J'ai commencé ce blog-Journal de Mon Processus de Création à l'été 2012.
Je reprenais alors une pratique assidue du dessin d'extérieur, du sketch, et du journal d'artiste. Après m'être concentrée une dizaine d'années sur le dessin en atelier d'après modèles vivants, je renouais avec la vie au quotidien, des gens et des sujets réels, pas de mises en scènes prédéterminées, mais de la poésie improvisée. L’œil du voyageur de nouveau aux aguets.

J'expérimente ces cours nomades dans la Ville depuis juillet 2013.
Un lieu différent chaque semaine dans Montréal. Intérieur, extérieur.


Mes étudiants me disent souvent: "Je n'ai jamais assisté à un tel cours!".
Qu'est-ce que ça veut dire?
Est-ce parce que nous nous déplaçons chaque semaine dans un lieu différent?
Est-ce parce que je passe de l'imaginaire au réel, et vice et versa, constamment?
Est-ce parce que je sollicite l'inconscient autant que je fais prendre conscience de leur processus de création, et de "vision"?
Ou bien est-ce parce que je leur dis qu'ils sont en fait des conteurs-dessinateurs... qu'ils racontent les histoires vécues dans ce lieu précis à ce moment précis avec leur medium artistique... qu'ils dessinent pour témoigner, d'un fait, d'une émotion, d'un ... quoi?
Est-ce parce que tout doucement je leur dis: "Vous avez une voix (une voie...), trouvez là!"?
Est-ce parce que finalement je ne leur dis rien, ou pas grand chose?
Je les observe. Beaucoup. Longtemps. Et parfois, je me permets de suggérer: "Regarde par là!" ou "Regarde de cette façon peut-être...".

C'est mon processus d'Enseignement que je voudrais partager dans cette rubrique par le biais de réflexions ponctuelles.
"To master, teach!" ... "Pour devenir Maître de ta discipline, Enseigne la!", dit l'adage.
En transmettant mes connaissances, je structure ma pensée, et donc ma vision.
Je mets en commun tous mes bouts de chemin défrichés, pour en faire un espace habitable par d'autres.
Un défi remarquable, un voyage passionnant, et ô combien stimulant!

Merci à ceux qui embarquent dans cette exploration avec moi!

 
I have started this blog - an artist journal of my Process of Creation in summer 2012.
I was reconnecting with the practice of outside drawing, sketch, and artist journal. After having focused my work on the practice of figure drawings in studios for about ten years, I was opening myself to the poetry of dayly life again, with real people and subjects. No predetermined directing, only improvisation. The eye of the traveler was coming back, always in alert.


Since July 2013 I experiment this singular Drawing Class Across the City: the Traveler Drawer.
A different place every week.

My students often says :" I have never seen such a class before!"
What does it mean?
Is it because we travel to a different place every week?
Is it because I switch constantly from real to imaginary, and vice versa?
Is it cause I make them play with their unconscious part as well as I try to make them conscious of their own process of creation, or "vision"?
Or is it because I say that they are storytellers... that they tell the stories that are taken place and lived here and now through their artistic medium... that they draw to testify to a fact, a feeling, a ... what?
Is it cause softly I whisper: "You have a voice, find it!"
Is it cause finaly I don't say them anything, or not much?
I observe them. A lot. Longer. And sometimes, I may suggest: "Look over there!" or "Why don't you look that way..."

I would like to share here my Process of Teaching through reflections.
"To master, teach!", as says the quote.
By passing my knowledge, I structure my vision.
I put all together my little pieces of cleared paths, to build a space livable for others.
This is a challenge, an amazing journey, so stimulating!

Thanks to all the adventurers that take that way with me!



Habiba Nathoo